La tragédie grecque continue…

Bien à propos (compte tenu de l’actualité) Hélène Gloux, qui connait bien a Grèce m’a proposé de publier cet article à propos du contexte en Grèce. Ce que je fais avec plaisir. On y lit entre les lignes le déclin d’un peuple, d’une nation, et le destin qui nous est promis si les changements nécessaires n’arrivent pas. Nous sommes tous grec aujourd’hui. Il ne tient qu’à nous d’imaginer autre chose, de ne pas écouter ceux qui veulent nous faire croire qu’« il n’y aurait pas d’autres alternatives ». Bonne lecture.

Tantôt mise en avant, tantôt remisée au rang d’actu « bouche-trou», la situation grecque n’a pu échapper à personne. Il y a deux camps : ceux qui s’égosillent à remettre en cause l’entrée légitime, il y a 10 ans, du pays des Hellènes dans la zone Euro font face à ceux qui plaignent sans relâche ces « pauvres européens a qui leur gouvernement à jouer un mauvais tour ». Personnellement, je n’ai pas encore décidé quel camp aurait ma préférence.

Je laisse la géopolitique et l’analyse socio-économique profonde à d’autres. Je n’ai sans doute pas assez de recul ni d’objectivité pour assumer ce rôle de manière satisfaisante. Et pour cause : j’ai vécu 5 mois et demi à Athènes à une période qui, pourtant plus calme qu’à l’heure actuelle, a été difficile pour le pays.

George Papandréou

Pour y avoir passé de nombreux étés par le passé, la Grèce est un pays que je connaissais bien, sans en être une experte (cela à son importance) : j’en connaissais la population, le climat, la convivialité et aussi la situation économique. Il y a 6 ans, la Grèce bien qu’ayant subit une inflation importante suite à son entrée dans la zone euro, restait un pays très abordable pour les européens et, malgré quelques difficultés non dissimulées, un pays dans lequel il faisait bon vivre.

Six ans plus tard, le pays est dans une situation peu enviable : chômage hors norme, inflation record, manifestations régulières et contrecoup d’une immigration importante.

La faute à l’Euro ? A l’Europe ? Au gouvernement Papandréou ? Aux grecs eux-mêmes ? Un peu de tout cela, si vous voulez mon avis !

En plus de cinq mois, j’ai eu l’occasion d’assister à plusieurs manifestations, de subir des dizaines de grèves, d’être témoins de nombreuses rixes entre forces de l’ordre et citadins, d’entendre les témoignages de nombreuses agressions… Au contact de cette population, difficile de reconnaître les torts des uns sans dénoncer ceux des autres.

Les différents médias français (entre autres) parlent d’une population révoltée, décidée à en découdre, volontaire… sans évoquer le rôle joué par cette même population dans le déclin annoncé de son pays. Le gouvernement grec a bien entendu une part importante de responsabilité dans cette débâcle mais ce qui m’a sauté aux yeux lors de mon séjour, c’est ce que la télévision ou les journaux ne montrent pas. Un peuple désabusé, vaincu, défaitiste. Un peuple qui ne se révolte plus que pour garder un semblant d’activité. Bien entendu, tous les grecs ne se comportent pas ainsi et je ne souhaite pas que l’on se fasse une fausse opinion de mon estime pour ce peuple. Néanmoins, j’ai été témoin du pessimisme ambiant : j’ai d’ailleurs croisé bon nombre d’étudiants athéniens qui ne rêvait pas de sauver leur pays (ils n’y croient plus) mais de le quitter.

Les médias étrangers ne montrent pas cette jeunesse désabusée, mais seulement celle, révoltée, d’Exarchia. Les brochures touristiques continuent de vanter la beauté du Parthénon, sans souligner que les plus beaux bâtiments du centre-ville sont, à l’image des universités pourtant magnifiques, couverts de graffitis révolutionnaires. Les grecs sont fiers de leur culture, de la beauté de leur pays, mais ne le laissent malheureusement pas transparaître.

Les problèmes de la Grèce ne trouveront pas de solutions uniquement dans une politique de rigueur ou d’aides extérieures car ils ne sont pas uniquement d’ordre économico-politiques. Athènes est le théâtre d’une violence impressionnante : envers les touristes, ce sont les pickpockets, envers les forces de l’ordre, ce sont les anarchistes et entre eux, ce sont des millions d’habitants qui s’évertuent à faire régner la loi du plus fort. Les problèmes sont donc nombreux : l’inflation subie depuis de nombreuses années (malgré des différences selon les produits, l’alimentation en supermarché est dorénavant aussi onéreuse à Athènes qu’en France), la dette grecque qui ne semble pouvoir être épongée, la jeunesse désabusée, la drogue, l’économie souterraine, l’immigration africaine et pakistanaise, l’importante ruralité… Autant de fléaux qui touchent un pays pourtant – paraît-il – béni des dieux…

Quelques liens pour comprendre la crise grecque :


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6 commentaires

  • Christos

    En tant que Grec de la diaspora, je rejoins plus ou moins cette analyse sur la Grèce, même si elle est ne se focalise que sur les 6 dernières années. Les problèmes des Grecs sont beaucoup plus anciens et beaucoup plus profonds:
    La loi électorale permettant à 30% des suffrages exprimés (le cas du gouvernement Papandreou) d’obtenir une majorité de députés
    La constitution qui ne peut être révisée en cours de législature
    Un archaïsme de toutes les institutions publiques
    Un peuple qui pendant 35ans c’est contre-balancé de tous les problèmes politiques, préférant le clientélisme politique
    Des dynasties politiques 3 familles se partagent le pouvoir depuis 100ans
    Des crypto-milliardaires qui ont 600 milliards d’€ rien que dans les banques suisses alors que le classement Forbes ne donne les noms que 2 ou 3 milliardaires grecs.
    Une église qui a fait veut de pauvreté, mais qui vit dans un luxe insolent et ne veut pas débourser un seul euro pour aider à résoudre le problème de la dette
    Une situation géopolitique avec la Turquie qui empêche à la Grèce d’avoir un budget de défense normal. Un défaut de la Grèce ferait perdre à l’industrie militaire française son 3ème plus gros client…
    J’arrête ma liste

    Par contre pour l’importante ruralité qui est classée parmi les fléaux, je dis #fail C’est l’hybris de la cité sur la campagnes… Et je trouve ça inquiétant d’avoir de tels jugements sur la campagne publiés en 2011 (NB: et je suis pourtant citadin).

  • Christos

    je voulais bien entendu dire « voeux de pauvreté » « s’est contre-balancé » « la campagne »

  • Hélène Gloux

    Bonsoir Christos,

    Je suis ravie que mon analyse te semble correcte (du moins en partie).

    Je m’explique sur certains points : les 6 années, par exemple : je ne me base que sur les six dernières années car mes souvenirs en Grèce avant cela sont trop flous (j’étais très jeune).

    Concernant les problèmes que je n’évoque pas : je l’ai souligné en début d’article je ne suis pas une experte de la question. Mais cela rejoint mon ressenti : les problèmes sont véritablement nombreux, et donc il semble difficile de trouver une solution globale…

    Concernant la ruralité, je la classe dans les « fléaux » non pas car je remet en cause les avantages de la campagne et les bienfaits d’une certaine ruralité (je viens moi même d’une petite ville dans un milieu très rural), néanmoins avouons que la Grèce est bien plus rurale que la plupart des pays et que, dans certains cas, cela peut-être un soucis. L’urbanisation a outrance est tout aussi dévastatrice mais je pense que le problème de la Grèce avec cette ruralité c’est avant tout qu’il y a de grandes disparités entre les habitants des villes (Athènes, Thessalonique, …) et les habitants des régions plus rurales, et cela pas uniquement au niveau économique.

    J’espère que tu auras mieux compris ce que je voulais dire par « l’importante ruralité » (pas toujours évident de s’exprimer clairement par écrit et en quelques lignes ». En tous les cas, ce n’est pas le fond du problème, c’est certain !

    Bonne soirée

  • La solution à la crise Grecque serait d’aborder le problème globalement…

    Allez donc voir le site : fam2012.fr et vous verrez que des solutions concrètes sont possibles…

    Bien amicalement

    Stéphane CESARI

    Co-fondateur du FAM2012

  • Pascale

    Bonjour, j’ai un petit souci avec cet article sur la fin :
    « la jeunesse désabusée, la drogue, l’économie souterraine, l’immigration africaine et pakistanaise, l’importante ruralité… Autant de fléaux qui touchent un pays pourtant – paraît-il – béni des dieux… » –> doit-on comprendre que la ruralité, l’immigration, la jeunesse désabusée..sont des fléaux ?
    Je chipote sans doute, mais c’est ce qu’on pourrait en déduire d’une lecture pointilleuse.

  • Hélène Gloux

    Pascale, navrée de ne répondre qu’aussi tard, je n’avais pas de notifications de commentaires.

    Concernant la ruralité, j’en ai déjà parlé dans un précédent commentaire. En ce qui concerne l’immigration, lorsqu’elle est trop importante c’est effectivement un fléau ! Il y a eu en Grèce une immigration massive qu’il n’est pas/plus possible d’endiguer…. donc oui, pour moi c’est clairement un fléau dans ce cas, d’autant qu’une grande part de cette immigration n’est pas légale.

    Enfin, en ce qui concerne la jeunesse désabusé…je pense que c’est en effet un problème ! Le fait d’avoir croisé de nombreux jeunes qui ne croient plus en la possibilité de sauver leur pays, qui n’ont comme seul projet que de le quitter, cela me semble être problématique pour le pays et sa population, oui.